« Une nuit dans le montagne » de Christophe Pellet (création novembre / décembre 2008 au Théâtre du Soleil)

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2ème volet du projet BÂTISSEURS DE NUAGES qui comprend la création d’un diptyque (Quand nous nous réveillerons d’entre les morts d’Henrik Ibsen, suivi d’Une nuit dans la montagne de Christophe Pellet) et l’association d’un auteur contemporain, Frédéric Vossier
(création novembre / décembre 2008 au Théâtre du Soleil)
mise en scène : Jacques David
scénographie & costumes : Jean-Luc Taillefert
création sonore : Christophe Séchet et Louise Gibaud
création vidéo : Erwan Huon
création lumière : Laurent Nennig
avec
Sébastien Accart, Lucas, Sylvie Debrun, Anne Engstrandt, Dominique Jacquet, Silvana Pintozzi, Nathalie Ortega, Julia Rees, Sabine Revillet, Lucie, Caroline Arrouas, Hilde Jensen

Après une Résidence de création et de recherche à la Chartreuse en septembre 2008 Une Nuit dans la montagne a été créé au Théâtre du Soleil, et présenté du 7 novembre au 7 décembre 2008 puis repris en tournée au cours de la saison 2009/2010 au Théâtre de l’Ephémère au Mans (72) – scène conventionnée pour les écritures contemporaines, au Gallia Théâtre de Saintes (17) et à Fontenay sous Bois (94).

Coproduction ARCADI et Fontenay-en-Scène, avec le soutien de Beaumarchais, l’ADAMI, la DRAC Ile de France, la participation artistique du JTN et d’un partenariat avec Lilas en Scène, commande d’écriture du Théâtre de l’Erre, aide à l’écriture de la DMDTS, texte écrit à La Chartreuse et publié à L’Arche.

La pièce

Le texte de Christophe Pellet raconte la genèse d’une œuvre dramatique.

Anne Engstrandt est écrivain – elle revoit son ancienne amante, Sylvana Pintozzi, actrice fameuse, mais sur le déclin, dans un vieux théâtre délabré dont celle-ci est propriétaire. L’actrice déchue veut refonder ce théâtre, mais hélas, elle tombe dans le vide et meurt, peut-être poussée par son jeune amant, le « petit renard », étrange silhouette, errante et mutique. C’est la première partie intitulée « Une Nuit dans la Montagne ».

Anne Engstrand revient dix ans plus tard dans ce lieu avec une jeune architecte, Hilde qui fera de ce vieux théâtre un restaurant. Un nouvel amour, un nouvelle aventure, un nouvelle vie. Elle aperçoit soudain le « petit renard » – celui-ci a retrouvé mystérieusement la parole. C’est la seconde partie : « Un Château dans les Nuages ».`

Enfin, l’épilogue: « Le Jour de la Résurrection » : le lieu est redevenu un théâtre, dirigé par une femme d’âge mûr, Julia Rees. Hilde apparaît alors, éteinte, un manuscrit à la main, seule, Anne ayant disparu. On découvre que le manuscrit est la pièce de théâtre qui racontera l’histoire (d’amour et de création) de Sylvana, d’Anne, du « petit renard », et de Hilde.

Le texte de Christophe Pellet raconte, entre onirisme et réalisme, sur une durée assez longue (17 ans), avec des personnages précis et une progression dramatique structurée en trois tableaux inscrits dans le même lieu (un théâtre), la genèse d’une pièce de théâtre (écrit par le personnage central Anne Engstrandt). On ne sait pas durant toute la pièce que le dénouement sera l’éclosion de cette œuvre théâtrale. On ne sait d’ailleurs pas où l’auteur nous emmène. On erre à travers des situations où des personnages essaient de construire quelque chose dans leur vie (un théâtre, un restaurant, un amour, etc.). Construire sa vie : ligne de fuite générale qui cherche à tracer son territoire d’existence, telle semble être la préoccupation de Pellet ; construire sa ligne de fuite, gravir « la Montagne », peut-être est-ce la même chose. On découvrira seulement que ces trois durées d’action s’accompliront et aboutiront in fine à la publication de la pièce.

L’intention littéraire de Pellet est donc d’exposer comment une œuvre émerge au fil du temps, au fil du passage des êtres et du tissage des relations : montrer le déroulement invisible, intime et vivant d’un processus de création. Placer l’œuvre d’art au carrefour des rencontres, dans un fil de transmission, un fil d’éros où l’amour et la création se mêlent. La pièce de Christophe Pellet est la pièce d’Anne Engstrandt.

Une nuit dans la montagne – le titre vient tout droit de la pièce d’Ibsen : la montagne à gravir, éprouver le sublime, l’absolument haut et grand, l’infini, dans les hauteurs, au-delà des nuages, l’ascension. Cette « Montagne » est l’enjeu des personnages de Quand nous nous réveillerons d’entre les morts. Mais que projettent-ils chacun dans cette « Montagne » ? C’est une belle métaphore, poétique et romantique, qui vise à souligner combien le fait de vivre pleinement est selon Ibsen une « mégalomanie ». Est-ce possible ? N’est-ce pas l’état fragile et flottant de création : cette quête d’ascension et de montée, d’affrontement et de dépassement de soi-même ? le lieu d’un combat ?

Le texte de Pellet questionne la liberté individuelle – sa puissance, le désir dont elle est grosse : gravir la « Montagne », c’est sûrement assumer la « folie » de cette liberté qui se fracasse, selon Pellet, en digne héritier d’Ibsen, sur l’emprise sociale. La liberté de créer, d’aimer, de rencontrer, de jouir… la liberté d’être quelqu’un… Pellet avec Une Nuit dans la Montagne offre des portraits – des portraits d’individus qui aspirent à cela, à cette liberté. On pourrait alors le définir comme le portraitiste des libertés actuelles. Un portraitiste singulier, qui aime dessiner des portraits, mais des portraits en devenir ; la liberté, c’est du mouvement et Pellet dessine ces mouvements sur des longues durées.

Et nul doute que Pellet, là aussi, en écho à Ibsen, dessinait le sien, son autoportrait. Anne Engstrandt, c’est lui. Aussi la pièce fourmille-t-elle de références à l’œuvre d’Ibsen que l’on peut deviner au fil de la lecture. Le texte est bien le fruit de ce qu’il nomme alors « une filiation, une perpétuation du plaisir de lectures éprouvées ».

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